𝗖𝗵𝗲𝗳𝗳𝗲 𝗱’𝗮𝗻𝘁𝗲𝗻𝗻𝗲 𝗲𝘁 𝗰𝗮𝗽𝗶𝘁𝗮𝗶𝗻𝗲 à 𝘀𝗲𝘀 𝗵𝗲𝘂𝗿𝗲𝘀
par Isabelle Pion
« Le visage de Marie Eve Lacas est connu comme celui de 𝗰𝗵𝗲𝗳𝗳𝗲 𝗱’𝗮𝗻𝘁𝗲𝗻𝗻𝗲 𝗱𝘂 𝗧é𝗹é𝗷𝗼𝘂𝗿𝗻𝗮𝗹 𝗘𝘀𝘁𝗿𝗶𝗲. Mais ce que les gens ne savent peut-être pas, c’est qu’une fois la caméra éteinte, cette maniaque d’actualité cultive plusieurs passions: tango, apiculture, voile… Suffit d’avoir côtoyé un peu la femme de 46 ans pour savoir qu’elle vit ses passions intensément. «Mon chum et moi, on dit qu’on n’est pas reposant… Mais on est attachants!»
Il y a un bail que je reluquais ses photos de voile et d’immensité et que j’avais envie de lui en jaser. Parce que ça fait rêver, quand même…
Celle qui est originaire de Montréal a eu un coup de cœur pour la voile alors qu’elle travaillait sur la Côte-Nord comme journaliste à Radio-Canada. Une promenade avec l’oncle de sa colocataire, surnommé capitaine Jack, allait influencer le cours de ses passions.
«Une fin de semaine, il nous a proposé d’aller faire de la voile sur le fleuve. Il avait son voilier à Sept-Îles, on est parti… J’avais fait des reportages; là-bas on touche à tout, j’avais fait du zodiac. J’avais déjà fait du kayak et du canot. Mais là, dès que j’ai mis les pieds sur le bateau, je me suis dit: voyons donc. Poussée par le vent, il faut toujours que tu surveilles ce que tu fais, c’est la nature qui guide ce que tu as à faire…»
«Le seul bruit que tu entends, c’est le vent […] Il y a le côté un peu aventurier, parce que tu ne sais jamais ce qui va arriver… C’est une communauté avec des gens qui ont des histoires incroyables, des humains qui n’ont peur de rien, qui n’ont pas froid aux yeux. Tout le monde a des mésaventures. La voile, ça n’a rien de simple. Quand ça va bien, ça va bien. Mais quand ça va mal, ça va très mal, en une fraction de seconde.»
Elle a beau être installée en Estrie depuis 14 ans, la Côte-Nord ne l’a jamais complètement quittée.
Pourquoi en est-elle tombée amoureuse?
«Le fleuve, répond-elle sans détour. Les grands espaces, la résilience des gens là-bas… L’occupation du territoire, ça me fascine. J’ai grandi dans une métropole où il y avait des gens partout. Que tu décides de t’installer dans un territoire aussi aride, ça m’a fascinée. Je me suis fait des amis qui sont devenus une deuxième famille», énumère celle qui essaie d’y aller une fois par an.
Marie Eve en est aujourd’hui à son deuxième bateau; son voilier se trouve au Club nautique du petit lac Magog.
D’une longueur de 21 pieds, il est un peu plus petit que son tout premier, un quillard de 27 pieds.
«Je ne savais pas du tout dans quoi je m’aventurais. C’était une grosse affaire, un tank. Après je me suis dit: ah mon Dieu, qu’est-ce que je viens de faire? lance-t-elle en éclatant de rire au sujet de cette première acquisition. Mais ça me thrillait au boutte!»
Avec son petit côté aventurier, elle ne s’est pas laissée impressionner. Elle a obtenu une série de brevets. L’employée de Radio-Canada a tous ses brevets en poche, il ne lui manquerait que la navigation hauturière de nuit à obtenir.
La navigation, à ses yeux, est un monde un peu macho, mais ce n’est pas ça qui allait l’arrêter.
«Quand j’ai commencé à sortir avec Olivier et qu’il était avec moi sur mon ancien bateau, à la marina, les gars qui ne me connaissaient pas pensaient automatiquement que c’était le sien. J’ai un chum qui n’est pas du tout macho. Il disait à la blague: ici je sais passer la moppe et c’est à peu près tout…»
Elle a d’ailleurs la chance de pouvoir pratiquer ce sport avec son amoureux qui lui, l’a initiée à l’apiculture.
Ne pas laisser la maladie la définir
Pendant l’entrevue, elle trace un lien avec l’endométriose, un difficile diagnostic qu’elle a reçu alors qu’elle avait 38 ans.
Elle ne s’en cache pas: cette maladie encore taboue est la cause de son infertilité. La Sherbrookoise a toutefois décidé que ce diagnostic ne la définirait pas, même si elle doit sans cesse composer avec la douleur qui y est liée, et «qui ne la quitte pas beaucoup».
«La voile, ça me ramène à l’instant présent. Ça me connecte à une passion», dit-elle en décrivant ces moments sur l’eau comme une bulle qu’elle se crée.
«Quand je suis là-dessus, il n’y a plus rien qui existe. Je sors de ma tête, de l’actualité, de mon endométriose. Je suis dans le vent. Je connecte avec la nature, le vent, l’eau… Je suis dans l’instant présent. Et ça ce n’est pas quelque chose que j’arrive à faire tout le temps.»
Les longues balades en voilier font rêver, mais elles viennent avec leur lot de responsabilités, dont l’entretien. «Il y a toujours quelque chose qui brise, de petites pièces à changer.»
Heureusement, la capitaine aime le travail manuel. Il le faut pour entretenir un voilier de 35 ans…
Lésiner sur l’entretien pourrait avoir des conséquences graves, la sécurité en tête de liste, observe-t-elle.
La saison de voile achève. Mais avant cette tombée de rideau, il y a aussi le paysage qui change de teinte. Quelle magnifique façon d’admirer les couleurs, quand même…»
Chronique d’𝗜𝘀𝗮𝗯𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗣𝗶𝗼𝗻, La Tribune, 15 septembre 2024
Photo de couverture📷Radio-Canada / Annick Sauvé
Olivier Côté
Jean Roy/La Tribune
André Beauregard