Décès de Tony Heffernan : Témoignage de Jean-Pierre Cuerrier

Tony Heffernan, Robert Gauvreau, Pierre Plouffe et Jean-Pierre Cuerrier  

Personnellement, j’ai d’abord côtoyé Tony Heffernan pendant mes 8 années au Collège MSL; il m’a souvent aidé, à sa façon, du point de vue conditions physique et psychologique, à me préparer aux saisons de basketball. On ne disait pas non à ses entraînements, même si ça bouillait intérieurement. Une anecdote: après une pratique intense de basketball orientée sur de la contre-attaque rapide et de la course, avec coach Jean-Guy Bédard, j’étais seul dans le gymnase pour décompresser et effectuer quelques lancers, Tony y est entré et a exigé de moi des «ciel et enfer»s, au point de dégueuler; il m’a dit alors: «Tu vois, tu n’es pas en forme!» Je lui ai mentionné: «Est-ce que ça aurait changé quelque chose de vous dire le genre de pratique qui a précédé?»; sa réponse, de son franglais habituel: «Non! Mais continue de bien travailler! Je sais maintenant que tu peux en donner plus! À demain, mon ami!»

Au Collège, comme responsable de la Société Sportive en 1968-1969, je me suis retrouvé à le côtoyer également sous un autre angle. Celui d’une personne de principes, qui défendait les valeurs d’équité entre les équipes sportives et qui voyait chez les jeunes adolescents de l’art brut à peaufiner et des personnes destinées à bâtir une société future solide et non malléable à tout vent. À l’Université de Sherbrooke, il a continué la promotion de ces valeurs, entre autres face à des équipes universitaires qui dérogeaient subtilement aux règles du «fairplay» et qui faisaient en sorte que les rencontres sportives devenaient inégales. Autres temps, autres moeurs! 

De retour des mes études doctorales, j’ai eu Tony comme étudiant dans certains de mes cours universitaires. Il était vu comme l’adulte qui retourne sur les bancs d’école, mais qui a un «je ne sais quoi» qui fait réaliser que toute bonne chose a ses obstacles et que bien que la perfection n’existe pas, il est primordial d’y tendre. Il a sûrement aidé plusieurs jeunes adultes qui se cherchaient face à leur nouveau statut d’étudiant universitaire. C’était par contre un autre monde pour lui et ce ne fut pas de tout repos; il n’est pas facile pour un passionné, opiniâtre, et quelque fois entêté, d’évoluer dans un milieu si changeant des années 70’s.

Nous sommes devenus des amis, et non plus en relation joueur-coach ou professeur-élève. Des discussions animées sur l’éducation autour d’une bière ou d’un café, des sorties de jogging LSD (Long Slow Distance), des services rendus de part et d’autres (trouver un appartement pour lui et Betty à leur retour de l’ouest du pays, l’engager dans mes projets de recherche), et des rencontres festives (un peu plus tranquilles avec le temps) durant ses visites à Sherbrooke ou à Montréal, sans oublier les tournois de golf ensembles.

Avec les années, je le voyais encore plus réflexif qu’avant, se questionnant sur son passé et son présent. Nous avons souvent discuté sur les bienfaits de la méditation pour lui. Loin d’être toujours en accord, jamais il y a eu jugement, et toujours beaucoup de respect. Nos deux appels téléphoniques, le mois avant son décès, resteront gravés longtemps dans ma mémoire: confinement quelque peu difficile pour lui, mais aucune plainte formelle, quelques mots sur son amie Rose et ses anciens Kodiaks, échange d’anecdotes qui nous ont bien fait rire, toujours de bons mots pour ma conjointe, et un «Je t’aime» bien senti avant de raccrocher.

Homme passionné, homme contesté, homme bon, homme d’influence.

Il a laissé sa marque et influencé de nombreux jeunes. Il m’a déjà dit: «Je sais que je n’ai pas la vérité, mais je fonce. À chacun d’en retirer les leçons qui en feront leur vie».

Merci, collègues, amis(es), d’avoir pris le temps de me lire.

Jean-Pierre Cuerrier, Ph.D., Promotion 1969, MSL, Professeur titulaire à la retraite, Université de Sherbrooke

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