Mon parcours : à la recherche d’un fleuve tranquille

Le secondaire

C’était quelque chose ce bâtiment de la rue Sherbrooke et la cour en paliers, du jamais vu! Au début, comme ça jouait pas mal raide dans la cour de récréation, les nouveaux se rabattaient sur le ping-pong. On a tellement joué de parties jusqu’à 3-4 pieds de la table. Pour changer, on mettait 3 verres de carton aux coins et au centre de chaque côté, le premier qui les descendait.

Ce n’était pas qu’une rumeur. Ça valait la peine d’aller voir cela. On racontait qu’il y avait un professeur qui invitait les plus vieux à attraper ses lancers au baseball. M. Blais, ancien lanceur professionnel d’une ligue de baseball s’élançait, la motion impeccable et certains receveurs n’étaient pas gros dans leurs culottes.

Toujours sur la rue Sherbrooke, j’ai connu le frère Betty, directeur du collège, le frère Henri, prof d’anglais et le frère Marcel, mon prof de biologie et mon coach de basket-ball dans la ligue intercollégiale des Biddies. J’étais même capitaine de l’équipe rendu en Syntaxe.

Ben oui, c’était le début de l’apprentissage du latin. Les textes traduits du latin vers le français, ça se tenait parce que si ça n’avait pas de sens, on s’en apercevait. Mais dans l’autre direction, ça devenait vraiment rigolo et incompréhensible. Puis le prof de latin, M. Léger, nous disait tout à coup : « Bon on est en avance en vocabulaire, je peux vous raconter une histoire! » Il nous énumérait une série d’événements de la Rome antique et on choisissait. Quel cours d’histoire fantastique en plus!

Et le long fleuve tranquille qui s’annonçait pour mes 5 années au MSL de la rue Sherbrooke se mit à brasser. Personne ne pouvait prévoir les chocs et soubresauts des années 1968-69-70. Sauf peut-être le frère Betty qui entra dans la classe d’un air bizarre au milieu de ma deuxième année du cours classique. Ce n’était pas pour une remise de bulletins. Il avait quelque chose de très important à nous dire. Des choix à venir pour les parents et les élèves.

Toujours est-il que la chose très importante à nous communiquer, eh bien! c’était la fin du cours classique, complètement.

Oh là là, un élan, une direction, un cap que j’avais commencé, s’arrêta. Ma famille n’a pas fait un tour de table à la maison avec mon cas. J’en ai parlé avec mon père qui avait son diplôme de garde forestier. Il était mesureur de bois avant d’acheter son commerce à Montréal. Alors nous avons opté pour la suite de mon cours secondaire en sciences plutôt qu’en lettres.

Pendant mes 3 années au MSL de la rue Henri-Bourassa, c’était un feu roulant au Québec. Le CPES, les Cégeps, l’UQUÀM, le FLQ, le RIN, le PQ enfin les syndicats et les grèves.  Heureusement ces événements effervescents n’arrivent pas tous en même temps. Ils ont permis de bien s’ancrer. Essayer de comprendre c’est devenir un peu plus responsable.

J’avais perdu des collègues dû au déménagement, mais rendu au Secondaire 5, ce fut la totale. En secondaire 4 j’avais commencé à me peigner un peu plus parce que le Collège était devenu mixte. Puis l’année suivante, ce fut le déferlement. Tous ces collèges qui fermaient pour devenir Cégep forçaient les jeunes à finir leur secondaire ailleurs. Une centaine d’élèves est arrivée au MSL, venant de partout. Si vous n’aviez pas d’amis pendant cette année de fou, vous étiez prêt pour une installation d’ermite à la Thoreau.

Je dois avouer que mes sorties de groupes se faisaient rares au Collège, car j’avais l’âge pour aider à l’épicerie familiale du marché Fiset au coin des rues Lafontaine et Panet pendant 36 ans.

Bon les profs, les profs, allez les méninges, brassez-vous, up cascades. Même après plus de 50 ans : M. Léger en latin, M. Tardif en français, M. Cloutier en chimie, M. Lalonde en maths, M. Gohier en histoire, M. Guillemette en géographie, M. Croteau en physique.

Collège sous la direction de l’irremplaçable M. Brunette que j’ai rencontré très souvent, le matin, en retard. Elle n’est pas vite la 45 Papineau, 8 kilomètres, arrêt à tous les coins de rue, un vrai chemin de croix.

Ainsi le faubourg à la mélasse de la rue Lafontaine, ça marque, mais l’instruction droite comme une flèche, ça marque et redresse.

Le primaire

Certes ça fait longtemps que je n’ai pas rédigé un curriculum vitae. Et j’ai toujours trouvé limitatif le fait de ne pas mentionner les écoles secondaires et même primaires que l’on a fréquentées dans le CV. Tous ces niveaux scolaires ne définissent-ils pas le candidat que l’on s’apprête à faire entrer dans l’équipe ? Alors je me lance !

J’habitais sur la rue Bordeaux en plein milieu de la côte. D’ailleurs, avant l’Expo 67, c’est sur cette petite rue que les autos du pont Jacques-Cartier se déversaient pour entrer à Montréal. Imaginez le nombre de camions qui sont passés devant chez nous quand ils ont créé l’Île Notre-Dame avec la terre du métro. On sautait dans le salon lors des changements de la boîte de vitesses.

Pour ma première année du primaire, je m’attendais à retrouver mes deux sœurs et mon frère ainés à l’école Lartigue au coin de la rue Ontario. Mais il fallait avoir 6 ans début septembre et moi je l’aurais seulement le 2 janvier. Ainsi on m’envoya à l’école Saint-Robert au nord de la rue Sherbrooke jusqu’au 3 janvier ou à peu près pour ensuite rejoindre ma fratrie. Le temps que j’arrive en troisième, ils étaient tous partis.  Puis pour une raison obscure, on ferma l’école Lartigue. Ma quatrième année s’effectua donc à l’école Sainte-Marguerite-Marie toujours en plein milieu de la côte, mais cette fois-ci sur la rue Papineau.

Au sein de cette école, ça n’allait pas très bien. Des pains disparaissaient de la boulangerie Toastmaster située en face. Aussi, beaucoup de ballons percutaient les voitures neuves du vendeur Touchette situé à côté de la cour d’école, de l’autre côté de la clôture. Les retenues debout tous les vendredis après-midi signalèrent à mes parents qu’il fallait que je sorte de là. Justement une religieuse dans la famille enseignait au couvent de Saint-André-Avelin en quatrième année. Je montais en cinquième année donc pas de conflit d’intérêt.

C’est ainsi que mes voyages commencèrent, ils forment la jeunesse et pourquoi pas l’enfance ?

Pendant l’été précédent ma cinquième et ma sixième année, on m’envoya six semaines à la colonie de vacances, les grèves, de Contrecoeur. Et ceci pour me pratiquer à être pensionnaire en sortant une fois par mois lorsque je serais au couvent.

Pour ces deux années du primaire, ma grande sœur venait me reconduire à la gare Windsor en autobus le dimanche soir (pas de métro en 1964).

Et là, j’étais Harry Potter avant le temps, les lunettes et la baguette en moins.

Que les gens sont grands quand tu as 9 ans! Surtout le monsieur qui se promène avec les colonnes de bagages et surtout le monsieur dans le train. C’est sûr que quand tu pèses 60 livres, 260 livres c’est gros. Quand il me demandait mon billet, c’était la grosse affaire. Il fallait le retrouver ce fameux billet, ne pas l’avoir changé de place trop souvent. Bon, il n’était pas dans la poche avec le canif ni dans celle avec les petites roches et les aimants. Cet homme à la casquette autoritaire s’appelait : Impatience et nous : Autonomie.

J’étais toujours surpris quand ils ouvraient les barrières des quais, je me disais tout le temps : C’est un vrai train !

On était trois ou quatre de Montréal, il y en avait qui venait de Hull, Ottawa, par l’autre bord. En tout cas, quand le train s’arrêtait à la gare de Papineauville, il y avait une religieuse qui entrait dans le train pour nous sortir de là, avec nos valises. Autrement on aurait peut-être fait un grand tour dans l’Ouest canadien.

Ensuite, on montait à Saint-André-Avelin en auto, se coucher, sans faire de bruit pour ne pas réveiller la centaine d’enfants qui dormaient déjà dans le dortoir.

C’est ainsi que j’ai fait le saut, ayant commencé l’école à 5 ans et ayant sauté ma septième année, je me suis pointé à l’âge de 11 ans, au Mont-Saint-Louis de la rue Sherbrooke. Après avoir réussi l’examen d’entrée, c’était en 1966. Allo mon coco !

Le collégial

Ayant choisi de finir mon cours secondaire en sciences, je suis resté cohérent en me dirigeant vers une formation technique de 3 ans en Électrotechnique au Cégep Ahuntsic. Une technique assez chargée, au rythme de 35 heures par semaine.

En 2 mots, avec ma formation au Mont-Saint-Louis, j’étais comme un poisson dans l’eau au Cégep. Je pouvais lire et écrire de manière aisée et détendue. Un bon secondaire ouvre les portes et les fenêtres, c’est le trousseau de clés pour la suite.

En effet, je trouvais que les noms des 4 cours obligatoires de philosophie me semblaient évocateurs : Pensée et réflexion, La relation au monde, L’homme, La conduite humaine.

Et pourquoi pas, entre un cours de calcul différentiel intégral et un autre de systèmes asservis, un des 4 cours obligatoires de français : Éléments de linguistique, Poésie, Roman, Essai.

Côté technique j’avais quand même 9 cours de prérequis absolus, 3 par 3 et globalement j’avais 42 cours à réussir. Mais le truc appris au collège MSL pour résoudre les problèmes me suivra toujours.

Qu’est-ce que je connais ? Qu’est-ce que je cherche ? Merci Mont-Saint-Louis !

De plus, la majorité de mes cours étaient des cours de physique avec des laboratoires de mesures et d’explications des résultats. J’avais des bonnes notes parce que mes conclusions, tout en clarté et concision, pouvaient même justifier l’échec de l’expérience.

J’étais recherché pour la rédaction des travaux en équipe.

Ce qui était rapidement motivant en électrotechnique pourvu qu’on apprécie de se mettre les mains dedans c’était : les haut-parleurs, les amplificateurs, les instruments de musique, l’enregistrement, le cinéma et enfin hors programme, les motos.

Ça roulait, appartement, prêts et bourses, plusieurs emplois à temps partiel du service de placement du Cégep : emballeurs dans le coin, surveillant de nuit à la résidence Louvain, plongeur à la résidence Dorchester, assistant-technicien l’été (aide à la navigation aérienne au ministère des Transports canadien à Dorval et Mirabel).

Un emploi entre autres sera très déterminant pour moi : Appariteur au Centre audiovisuel du Cégep, à temps partiel, entre mes cours.

Ces découvertes du son et de l’image m’entraîneront directement (après avoir posé ma candidature 3 fois) vers une carrière à l’ingénierie des services techniques de l’Office National du Film où une surprise m’attendait : l’apprentissage fascinant de la lumière et des trucages optiques.            

L’université

Mon père rêvait d’avoir une ou un universitaire dans la famille. Et j’ai tenté à 4 reprises de lui faire plaisir même s’il n’était plus là. Il est décédé pendant l’été précédent mon entrée au Cégep.

J’ai commencé par le Bac en électricité de l’École de Technologie supérieure (ETS). Ils avaient une bonne publicité, un dépliant stipulait qu’ils voulaient créer une École comme il en existait déjà en Allemagne.

Le Bac de l’époque n’était pas de 90 crédits, alors nous avions rencontré la direction pour connaître notre statut de finissants : Technologue ou Ingénieur.

Les maths c’était du costaud, disons que je clignais de l’œil. J’avais presque 30 crédits quand les bébés sont arrivés 1983-1984, et là, je clignais des 2 yeux.

Ma deuxième tentative c’était à l’UQUAM, un certificat en gestion. J’étais devenu chef d’équipe d’une dizaine d’employés et il me manquait des connaissances.

Tout à coup, je devenais moins bon en français. Après un test, je devais suivre 2 ou 3 cours d’appoint en français avant de commencer le programme. J’avoue qu’un cours en gestion intégrée ne m’avait pas beaucoup aidé, à court terme, à rédiger les évaluations des employés avec les points à améliorer, etc.

Ma troisième tentative c’était à l’Université de Montréal, un certificat en communication appliquée. J’étais devenu président du syndicat, je rencontrais souvent le commissaire et le directeur du personnel : manque d’aisance pour parler en public et manque de rapidité pour répondre à la question piège : En résumé, qu’est-ce que vous voulez ?

Et la quatrième tentative, Bac en enseignement professionnel à l’Université de Sherbrooke à Longueuil. J’enseignais le cours : Réparation d’appareils électroniques et audio-vidéo, un DEP de 1 800 heures à l’école Compétences 2000 de la ville de Laval, puis à l’école Léonard-de-Vinci de Saint-Laurent. Je devais prendre cette formation tout en enseignant, j’étais rendu à temps plein.

Bravo et chapeau à tous les professeurs!

C’est là que j’ai compris tout le travail derrière le cours donné aux élèves, les nombreuses heures à la maison à préparer les exercices, les labos, les examens, les corrections puis le temps des recherches pour revenir avec la réponse à des questions pointues, enfin maintenir l’enthousiasme et la passion du métier.

Richard Fiset, promotion 1971

Septembre 2023

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