Une courte histoire de la préservation de mon vieux Collège

Le collège Mont-Saint-Louis, situé au 244 rue Sherbrooke Est, fut érigé en 1888, sur les plans de l’architecte Jean Zéphirin Resther. Sa conception est inspirée de l’architecture du Second Empire, comme beaucoup de bâtiments institutionnels de cette époque, à Montréal. Le MSL se distingue, cependant, par son allure sobre et dépouillée. L’immeuble occupe la rive sud de la rue Sherbrooke, entre les rues Sanguinet et de l’Hôtel-de-Ville, ce qui représente la largeur de deux îlots. L’emplacement domine le territoire de la terrasse Ontario au sud. À l’époque de la construction, le quartier prenait forme. Les magnifiques bâtiments de pierre grise des rues Saint-Denis, Laval, Hôtel-de-Ville, etc., s’y élevaient les uns après les autres avec frénésie. L’immeuble est identifié aux documents d’évaluation du patrimoine urbain comme un « immeuble de valeur patrimoniale exceptionnelle ».

(…) En 1976, lorsque que le Cégep du Vieux- Montréal déménagea dans ses nouveaux locaux, situés à l’angle nord-ouest des rues Sanguinet et Ontario, le vénérable collège a été abandonné, en proie aux sévices des intempéries et du vandalisme. Au pied de la côte, les travaux de construction du nouveau Cégep avaient dégradé la stabilité du terrain, tant et si bien qu’on a dû démolir deux ailes du vieil immeuble, dont la chapelle, lorsque des glissements de terrain menacèrent d’écroulement ces structures. Le Cégep ne comptait pas, dans ses plans, conserver le vieux collège. On prévoyait d’autres usages sur ce terrain. Une inquiétude grandissante se fit sentir alors chez les personnes soucieuses de la conservation du remarquable immeuble. On craignait, à juste titre, pour sa survie. Parmi les divers moyens disponibles pour éviter une démolition, il y avait le classement de l’édifice au titre de monument historique. C’est grâce, entre autres, aux efforts de l’Association des anciens du Mont- Saint- Louis, que le classement fut décrété le 17 mai 1979.

La dénomination de monument historique ne soustrait pas, cependant, un édifice vacant aux risques d’incendies et de détériorations. Pour assurer la conservation d’un immeuble, on doit l’investir d’une fonction appropriée. Plusieurs propositions furent avancées dont, entre autres, celles d’y créer un collège international ou un centre d’enseignement des arts. Mais, pour chaque projet, on se butait à la même incontournable difficulté: il n’y avait pas de source de financement pérenne.

C’est à ce moment que le dossier de la restauration du vieux collège est confié la Société municipale d’habitation de Montréal (Somham), dont j’étais le président. (…). Le dossier ne m’était pas étranger, puisqu’à plusieurs reprises j’en avais discuté avec mon patron, Yvon Lamarre (promotion 1954), président du Comité exécutif de la ville de Montréal. Celui-ci était prévenu de la précarité de la situation, et avait à cœur le sauvetage de l’édifice. Par ailleurs, depuis plusieurs années, un autre acteur d’importance, Bernard Lamarre (promotion 1948), alors président de Lavalin, militait aussi pour  la préservation du collège avec, entre autres, l’Association des anciens du Mont-Saint-Louis. À ce point, tous étaient unanimes: il fallait trouver une occupation qui pouvait s’autofinancer à long terme, sans quoi le projet resterait un vœu pieux. La conversion en copropriétés sembla alors la solution la plus appropriée.

À la Somham, on était d’avis que le bâtiment se prêterait bien à ce type d’occupation. (…) Cette avenue avait l’avantage de ne requérir aucune subvention de la part des gouvernements. Les coûts de la restauration seraient couverts par la vente des appartements en copropriétés et l’entretien, évidemment, serait assumé par les copropriétaires. Quand, après avoir examiné un grand nombre d’autres scénarios, Bernard Lamarre m’a demandé si la Somham pouvait faire de l’habitation dans le vieux bâtiment, j’ai répondu, sans hésitation, par l’affirmative. J’étais d’autant plus à l’aise de répondre ainsi que l’administration municipale favorisait un tel projet.

Mais, devant nous, se dressait un obstacle de taille. Le Cégep du Vieux- Montréal, propriétaire de l’immeuble, ne voulait pas s’en départir. On avait des projets, disait-on, pour occuper le terrain, mais, bien sûr, sans conserver le bâtiment. Après vérification à Québec, il semblait bien que les projets du Cégep n’avaient pas de fondement sérieux. De longues discussions n’avaient abouti à rien. Le temps pressait, car le bâtiment se détériorait (…). Un effort commun impliquant les anciens du MSL et la ville de Montréal, aboutit enfin. In extremis, à la dernière réunion du conseil des ministres après les élections de 1985, un arrêté en conseil « autorisait » le Cégep du Vieux- Montréal à vendre le bâtiment du 244 Sherbrooke Est, à la ville de Montréal. Bien sûr il fallut, par la suite, plusieurs mois de négociations ardues, avant que l’acte de vente ne soit signé. La Somham fut néanmoins autorisée, dans l’intervalle, à protéger le bâtiment contre les intrusions et à exercer une surveillance. Voilà comment fut mis sur les rails le projet de restauration du Mont -Saint -Louis.

La Somham a retenu les services de l’architecte Claude Gagnon qui a dressé les plans et les cahiers de charges. (…) Bien sûr, nous étions tenus de conserver l’enveloppe du bâtiment dans son intégrité dont le parement de pierre grise, la mansarde, le dôme, l’ouverture des fenêtres, la grille du jardin, etc. (…)

Puisqu’il ne fut pas possible de le construire derrière l’immeuble à cause des mauvaises conditions du sol, le stationnement a pris place à l’avant du bâtiment, sous le jardin. Cette disposition comportait, en outre, un attribut de grande valeur. En effet, l’entrée du stationnement a pu être aménagée dans la côte de la rue Sanguinet, ce qui assurait la conservation de l’intégrité de l’espace du jardin. La grille originelle du jardin, d’autre part, a été rénovée et constitue un accessoire de prestige par son ampleur et aussi par sa valeur patrimoniale. (…)

En 1988, l’année du centième anniversaire de l’immeuble, les nouveaux propriétaires s’apprêtaient à y emménager. À cent ans, le vénérable bâtiment était doté d’une nouvelle vocation…

Guy R. Legault, promotion 1951, architecte et urbaniste

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