Regard sur le parcours de Robert Saletti

En novembre 2023, l’AAMSL a proposé à Robert Saletti de revisiter le Collège Mont-Saint-Louis qu’il a fréquenté il y a plus de 50 ans. C’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’il a accepté l’invitation : « J’ai adoré mon passage au Mont-Saint-Louis même s’il fut bref (secondaire V). J’en garde un souvenir impérissable, ce fut l’une des années les plus mémorables de ma vie ».

17 janvier 2024, Richard Fiset et Danièle Bélanger accueillent Robert Saletti au MSL pour une visite des lieux et une conversation amicale, sympathique et chaleureuse.


Le grand Bob

Mon ami Robert Saletti, mon grand frère culturel. Il lui suffit d’une seule phrase pour mettre la table. Son auditoire est choyé, charmé, sustenté. Mine de rien, il nous informe sur la société, parfois à notre insu. Féru de musique et de sports, ce passionné de la culture n’a que faire de l’ennui. Robert m’a initié au jazz. On ne manquait aucun spectacle à l’Esquire Show Bar et plus tard au Soleil levant. Il m’a aussi fait découvrir le football américain et ses règlements. En écoutant ce docteur en littérature comparée raconter son parcours de vie marqué par de longues études, l’amour du travail, l’enseignement, le journalisme, l’implication partout où il est passé, les voyages et… le vagabondage, je réalise que je suis aux côtés d’une voix et d’une plume étonnantes, vibrantes.

Richard Fiset, promotion 1971


Après des débuts en psychologie à l’Université McGill puis à l’UQAM qui ne le satisfont pas complètement, il reviendra à McGill pour terminer son baccalauréat en littérature, son véritable amour. Suivront une maîtrise en littérature québécoise toujours à McGill et un doctorat en littérature comparée à l’Université de Montréal. C’est au cours de ses études universitaires qu’il découvrira le plaisir d’enseigner, comme teaching assistant, comme coordonnateur des activités culturelles de l’École française d’été de McGill et comme chargé de cours à l’École polytechnique où il enseigna conjointement le cours de Méthodologie des projets d’ingénierie et communication pendant quelques années. Ces expériences pédagogiques le mèneront finalement au Collège Édouard-Montpetit où il a enseigné pendant trente ans, carrière qui permit l’épanouissement d’un enseignant doué, attentif à chacun de ses élèves et passionné par sa matière. 

1990 une année déterminante

L’année 1990 représente une année marquante et décisive pour notre ancien : en huit mois il rencontre la femme de sa vie, il amorce une famille, il démarre une longue collaboration au Devoir et il est embauché à Édouard-Montpetit. Il y a des moments dans la vie où les planètes s’alignent merveilleusement et cette année-là en fut un.

Le professeur se familiarise avec les cours de genres (roman, poésie, essai, théâtre, linguistique) de l’ancienne séquence de littérature, que ce soit au campus de Longueuil ou à l’École nationale d’aérotechnique, l’autre campus d’Édouard-Montpetit. Rapidement entiché de la vie collégiale, il devient coordonnateur de son département lorsque se produit la réforme Robillard en 1993 qui change complètement la séquence des cours de littérature et entraîne des bouleversements pédagogiques significatifs (approche par compétences, approche programme). La réforme augmente le nombre d’heures d’enseignement de la littérature (+ 33 %) et le département qu’il supervise avec une collègue devient le plus grand du Québec à l’époque. Malgré son engagement au département et dans les principaux comités de l’institution, Robert en profite pour terminer son doctorat.

Soucieux d’être au cœur de l’action, là où se prennent les décisions, et de profiter au maximum de la vie collégiale, intéressé aux échanges de points de vue et à l’exercice du leadership, Robert sera à la coordination de son département pendant trois mandats qui totaliseront plus d’une décennie. Cet engagement dans son milieu l’a aussi amené à siéger pendant plusieurs années au C.A. d’Édouard-Montpetit et à la Commission des études, le plus important comité du cégep.  


1970-71 le Mont-Saint-Louis

Le passage de Robert au Mont-Saint-Louis a été fondamental et mémorable. Ce fut une année formidable, magique, folle, à la fin de laquelle il n’était plus du tout le même jeune homme. S’il lui a fallu attendre le début de l’université pour décider qu’il allait devenir un prof de littérature, c’est au Mont-Saint-Louis que l’idée a commencé à germer, dans le cours de français notamment. C’est au cours de cette année décisive qu’il a développé sa curiosité, mère de toutes les vertus en éducation, et qu’il a compris le sens du partage et de l’amitié. Plusieurs des amitiés nées à cette époque l’accompagnent encore aujourd’hui. Transition entre le très rigoureux et très formateur cours classique et la nouvelle liberté des cégeps, le MSL a constitué pour Robert un passage intense et révélateur.

À l’occasion de retrouvailles d’une partie de la promotion 71 en mai 2019, Robert a produit un texte très personnel intitulé Je me souviens qui détaille certains de ses souvenirs impérissables et que nous reproduisons ici.

Le Devoir

En 1990 Robert entre au journal Le Devoir. Embauché par Robert Lévesque qui dirigeait alors le cahier Le plaisir des livres, il hérite de la rubrique d’essais québécois, une chronique qu’il gardera 10 ans. Une chronique qui traitait de psychologie, de sociologie, de science politique, de littérature, de philosophie, etc. Une rubrique pour laquelle il a écrit près de 500 articles au fil des samedis. Là comme dans son enseignement, Robert a puisé dans sa culture générale dont les fondements lui ont été inculqués à André-Grasset (classique) et au MSL. Il a toujours aimé faire le pont entre les différents domaines du savoir, aussi variés soient-ils. Pour un généraliste, la table est un banquet.

Le professeur-journaliste a profité de son séjour au Devoir pour inaugurer une chronique sportive qui paraissait aussi la fin de semaine. Ses textes ont surtout touché au football, mais aussi à la Coupe du monde de soccer. Pour lui le sport était un beau prétexte pour aborder d’autres sujets et parler de la société contemporaine, un prisme pour nos rêves et nos angoisses. À sa connaissance il a été le seul chroniqueur attitré de football de l’histoire du Devoir. Notre ancien occupait alors une place à l’intersection de deux mondes qui ne se fréquentent pas beaucoup. Un intellectuel qui parle de football ça ne faisait pas très sérieux pour certains. Au même moment, ses amis sportifs étaient très surpris d’apprendre qu’il écrivait dans un journal sérieux. Mens sana in corpore sano, disaient les anciens anciens.


L’écriture

L’écriture a occupé une grande place dans la carrière de Robert. Outre 10 ans de critique journalistique, il a siégé au comité de rédaction de la revue littéraire et artistique Spirale pour laquelle il a écrit de nombreux articles sur la théorie littéraire, les essais, la musique. Il a aussi collaboré à quelques recueils d’essais comme 1967 le Québec entre deux mondes où il commente des photos de Jean Rey sur le sport ou comme Profession d’innocence sur le cinéma de Coppola dans la revue Liberté, et il a préfacé Halloween : Montréal, Québec, un livre de photos de Serge Clément.

Sa grande inspiration journalistique a été Pierre Foglia qu’il avoue avoir lu religieusement depuis ses débuts à la Presse dans la section des sports. Rencontré au Devoir, le directeur actuel de la Cinémathèque québécoise et critique Marcel Jean a été un mentor pour lui. Il a toujours admiré Jean Dion qui a tenu au Devoir le rôle que tenait Foglia à la Presse, soit celui d’un chroniqueur vedette à la plume subtile, originale et drôle, pour qui le sport était est un tremplin, un prétexte, pour parler de notre rapport complexe au monde et à la vie. Oui nous verrions bien notre ancien assis à la même table que Pierre Foglia, Jean Dion, Marcel Jean, Louis Hamelin…


À la retraite depuis 2020, Robert reste habité par ce qui l’a nourri depuis le temps du MSL, les mots, la musique, la découverte… Nous avons eu la chance de rencontrer un ancien encore mu par la soif de communiquer, de transmettre, un homme passionné et passionnant. Son propos est intéressant et il raconte avec précision de nombreuses anecdotes en captivant son auditoire. Nous sommes persuadés que beaucoup de ses anciens élèves, parmi les milliers qu’il a côtoyés tout au long de sa carrière, ont conservé de leur ancien professeur et de sa matière un très beau souvenir.

Richard Fiset et Danièle Bélanger

Février 2024

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