Jean-Paul Grégoire, f.é.c., était un homme avec un sourire. Il était un homme heureux. Il faisait partie de la communauté des Frères des Écoles Chrétiennes, un institut créé par Saint-Jean-Baptiste-de-La-Salle à Reims, France, en 1684 pour l’éducation des garçons, particulièrement ceux de familles pauvres. Il était connu sous Frère Grégoire. Il a fait le bon choix lorsqu’il se joignit à sa communauté religieuse et le montra par le bonheur qui rayonnait de sa personne. Il se sentait bien dans sa peau, tout le temps.
Le Frère Grégoire enseigna au collège canadien français
Mont-Saint-Louis à Montréal. Le collège avait une très grande réputation pour son cours scientifique et la qualité de son corps professoral. En 1945, à l’âge de 38 ans, le Frère Grégoire était le titulaire de la classe 6ième Sciences «C». Il enseigna plusieurs matières. Il aimait particulièrement enseigner la langue anglaise et avait une façon très particulière de le faire en demandant à ses élèves d’apprendre des chansons populaires américaines, en analysant les mots, et en les entraînant à chanter ensemble ces chansons. En 1945, parmi celles qu’il proposa à sa classe fut une de ses préférées : «Don’t Fence Me In». Il aimait aussi «Dream». Encore aujourd’hui, ses anciens élèves se rappellent tous les mots de cette chanson et une des raisons est qu’elle leur rappelle la nature du Frère Grégoire.
Il fut aussi le directeur de la chorale du Mont-Saint-Louis, qui avait une excellente réputation à Montréal. Elle était composée de 60 élèves et son objectif principal était de chanter les trois messes de Minuit et de participer à quelques concerts. Il recrutait ses chanteurs dès l’entrée et les rassemblait le 1er octobre. En trois mois de pratique, il en faisait une chorale de qualité. Les messes étaient si populaires, à cause de la chorale, que la communauté devait distribuer des billets de réservation pour chaque siège car la demande était trop forte et cela, même si la chapelle était très vaste.
Le Frère Grégoire était aussi un des responsables de l’organisation du Festival du Mont-Saint-Louis au Forum de Montréal qui réunissait plus de 12,000 étudiants pour des activités d’hiver. Le festival était précédé d’une longue parade sur la rue Sherbrooke, du Collège au Forum.
Il resta au collège pour une longue période et demanda de devenir missionnaire pour sa communauté au Japon, ce qui fut accepté. Certains disent qu’il demanda à son supérieur
«Don’t Fence me In» (ne me barricade pas). C’est en voyageant sur le vol KE007 «to the ridge where the west commences» (vers la crête où l’ouest commence) qu’il rencontra sa destinée le 1er septembre 1983, une victime de la guerre froide. Il était en route pour le Japon.
Humble, généreux et capable, bon pédagogue, musicien de qualité, il était un homme passionné qui voyait son rôle d’enseignant comme un des plus importants au monde. Il a aidé plusieurs jeunes à comprendre leurs capacités et à bien servir leur nation en leur permettant de devenir des hommes responsables.
Adieu… Frère Grégoire.
Claude Dupras, promotion 1951
classe du Frère Grégoire de 1945, 6ième Sciences « C »
Membre de la chorale
Juin 2005
Comme vous le savez ce frère éducateur au MSL périt dans le crash de l’avion de KAL qui fut descendu par les Russes, durant la guerre froide, le 1er septembre 1983. Un très beau site Internet a été préparé sur cet incident, (www.rescue007.org) où apparaît entre autres la liste des passagers sur laquelle on retrouve le nom de Jean-Paul Grégoire, notre frère Grégoire. Il m’a fait plaisir de collaborer à ce projet.
Le 1er septembre 1983, le vol 007 de Korean Air Lines en route pour Anchorage, Alaska, de Séoul, Corée, ayant à son bord 269 passagers incluant l’équipage, s’est écarté de sa trajectoire et a pénétré l’espace aérien soviétique. Un avion de chasse soviétique Sukhoi 15, piloté par le major Gennarie Osipovich, a été lancé à sa poursuite avec pour
mission d’abattre le Boeing 747. Cet incident international majeur eut lieu à un point culminant de la guerre froide. À l’époque—et encore aujourd’hui— on cru à l’explosion, à la chute incontrôlable de l’appareil dans l’océan et à sa destruction, tuant tous les passagers. Les preuves, par contre, racontent une toute autre
histoire. Selon les records de localisation par radar japonais, les records de communications sol-sol et sol-air soviétiques, l’enregistreur des paramètres du vol KAL 007
et l’enregistrement de conversations dans le poste de pilotage, les débris (et leur absence), les témoignages oculaires… Toutes ces preuves, et d’autres encore, attestent
que l’appareil était en effet endommagé mais qu’il aurait réussi à atterrir en toute sûreté et que les passagers ayant survécu auraient été secourus par les russes— et seraient encore détenus à ce jour.