Au Collège, nous avions congé le mercredi après-midi et le samedi après-midi. Le mercredi après-midi, je suivais des cours de peinture avec le frère Gédéon. Nous partions vers une heure, dans un petit camion, le plus souvent vers Ahuntsic pour repérer de beaux paysages, pour peindre les arbres, la rivière des Prairies, les vieilles maisons du boulevard Gouin. Le plus souvent nous faisions nos croquis au fusain, parfois à la gouache ou au pastel et le samedi après-midi, nous en mettions certains à la peinture à l’huile. Moments magiques! On ne s’ennuyait pas! Ces jours de congé bien remplis font partie de mes beaux souvenirs du collège. La joie de découvrir la gouache, le pastel, l’huile. La joie de dessiner, de peindre, de créer. Pas d’examen! Pour le plaisir seulement. Sous la tutelle d’un maître pédagogue, apprendre à voir et à sentir la beauté.
Un jour le frère Gédéon me dit :
Allez à la Galerie Morency, rue Saint-Denis, il y a un Canadien qui fait des tableaux étonnants
J’y suis allé. J’y découvre un tableau sombre, tourmenté, d’où émane une force que je ne m’explique pas. C’est le choc! C’est la première fois qu’un tableau me parle ainsi. Il faut dire que c’est le premier tableau en galerie que je vois.
Je raconte au frère Gédéon ce que j’ai vécu.
La rencontre avec un grand peintre produit toujours une belle émotion. Vous avez de la chance d’avoir connu cette expérience.
Déjà, en 1945, mon professeur avait découvert Marc-Aurèle Fortin, alors pratiquement inconnu, et moi, à 14 ans, je venais d’entrer dans un monde merveilleux, celui de l’Art.
Jacques Laurin
Mont-Saint-Louis, 1944-1950
2013