Les deux vies du Mont-Saint-Louis

1968… une année charnière dans l’histoire du Collège Mont-Saint-Louis!

Comme de nombreux anciens qui ont fréquenté le Collège Mont-Saint-Louis avant 1968, je n’ai pas alors, pris dans le tourbillon de l’action reliée aux exigences de la vie professionnelle et familiale, bien suivi les événements qui ont mené à la cessation des activités du Mont-Saint-Louis de la rue Sherbrooke et à son transfert sur Henri-Bourassa. Comme les anciens « ante 1968 » conservent un attachement toujours très vivant et gardent encore des souvenirs très précieux de leur passage au Mont-Saint-Louis, permettez-moi de rappeler ces circonstances au bénéfice de tous les anciens…

Avec l’arrivée de la « Révolution tranquille », les années ’60 furent marquées par de nombreux bouleversements sociaux, notamment au niveau de l’éducation. Le Rapport Parent suggère la création des Cegeps, modifiant sensiblement le système des collèges privés qui dispensaient, depuis des décennies, les cours classique et scientifique comme c’était le cas au Collège Mont-Saint-Louis de l’époque. Associé à cette réalité d’ordre politique, la baisse de plus en plus inquiétante des vocations religieuses n’avait pas épargné les Frères des Écoles Chrétiennes qui, constatant cette diminution des vocations et l’accroissement de l’âge moyen des éducateurs religieux, ont dû constater à regret qu’ils leur seraient impossible de poursuivre, dans le même cadre, leur mission éducative. C’est alors qu’il leur est apparu nécessaire d’envisager la vente de l’édifice et les terrains au Cegep du Vieux-Montréal, nouvellement créé. Conséquemment, en avril 1968, les membres du personnel enseignant reçoivent une lettre les informant de la fermeture du collège et de la fin de leur emploi en juin 1969.

Point n’est besoin de dire tout le désarroi des professeurs religieux et laïcs ainsi que des parents et élèves face à cette mauvaise nouvelle. On sent bien à l’époque une grande inquiétude, mais aussi un désir, qui se traduit ensuite en une volonté, de perpétuer le Mont-Saint-Louis. C’est avec détermination et le goût de relever ce grand défi que les personnes concernées à l’époque s’attaquent à la tâche d’assurer, dans des circonstances particulièrement difficiles, la survie du Collège Mont-Saint-Louis. Se forme alors un comité ayant pour objectif de voir s’il ne serait pas possible de poursuivre les activités éducatives dans d’autres locaux et celui-ci regroupe messieurs Raynald Loiselle (président de l’Association des parents), le Frère Herménégilde (Urgel Bettez), directeur du cours secondaire et Robert Brunette (directeur adjoint du cours secondaire).

Lors d’une réunion des anciens du collège en mars 1969, ces derniers sont informés de l’état de la situation. C’est alors qu’un ancien, monsieur Paul Langlois (alors responsable de la Métropolitaine pour l’est du Canada) suggère que son employeur pourrait être prêt à financer l’achat du Collège Saint-Ignace, alors mis en vente, et le transfert du Mont-Saint-Louis dans ces nouveaux locaux. Au moment où cette institution financière commence à formuler plusieurs conditions difficiles à rencontrer et à manifester une certaine tiédeur, la Caisse Populaire se déclare également intéressée à participer au financement de l’opération et manifeste son regret de voir possiblement que ce financement pourrait venir d’une institution dont le siège social est situé hors du Québec. Un vent d’optimisme refait surface et il y a encore de l’espoir. C’est ainsi que la Société de Fiducie du Québec, reliée aux Caisses Populaires, vient rapidement soutenir financièrement le projet.

Compte tenu de l’évolution de la société québécoise et de la décroissance du recrutement dans les ordres religieux, ce qui n’est pas sans affecter de façon significative le monde de l’éducation, la formule d’une coopérative de parents semble alors la meilleure pour assurer la survie et la poursuite des activités d’enseignement du collège. Après quelques ajustements, il est décidé qu’en achetant une part sociale, seuls les parents des élèves deviendraient sociétaires de la coopérative et pourraient accéder, par élection, au Conseil d’administration du collège.

Prenant alors de vitesse la Commission des Écoles Catholiques de Montréal qui se montre également intéressée aux installations du Collège Saint-Ignace, la nouvelle coopérative devient acquéreur des biens immobiliers de cette institution du nord de Montréal. Les mois de l’été 1969 sont consacrés à l’engagement des professeurs, au recrutement des élèves et à la préparation des locaux pour la rentrée de septembre qui reçoit effectivement environ huit cents élèves de niveau secondaire. Le collège fait alors face à une nouvelle réalité, soit la mixité des élèves, garçons et filles, ce qui n’est pas sans s’accompagner de changements d’attitudes de la part des élèves et des professeurs. Ceci se traduit d’ailleurs par l’embauche de professeurs féminins. Enfin, depuis son arrivée dans cette nouvelle localisation, le Collège Mont-Saint-Louis n’a pas cessé d’y apporter de nombreuses rénovations qui sont venues améliorer la qualité de vie des élèves et de la formation en général.

C’est dans ce contexte que les Frères des Écoles Chrétiennes sont prêts à céder le nom du Collège Mont-Saint-Louis et que bon nombre de ceux alors actifs sur la rue Sherbrooke sont prêts à poursuivre, avec les professeurs laïcs, leur enseignement dans les nouveaux locaux. Pour démontrer l’attachement des Frères enseignants à la nouvelle forme de leur collège, ajoutons que ces derniers louent, de 1969 à 1980, une section du collège pour y loger, continuant ainsi à assurer leur présence et à exercer une certaine influence sur le transfert de la culture et de l’esprit qui régnait sur la rue Sherbrooke. Ces collaborateurs religieux qui se sont consacrés à la continuité de notre institution, ont graduellement passé le flambeau à une nouvelle génération d’éducateurs laïcs. Qu’il nous soit permis de rendre un hommage bien particulier à ces Frères enseignants qui ont assuré ce passage lors de cette période critique : Urgel Bettez (Frère Herménégilde), Roland Alarie (Frère André), Marcel Blondeau (Frère Marcel), Wilfrid Faucher (Frère Wilfrid), Adrien Fontaine (Frère Adrien), Henri Lalonde (Frère Henri), Léopold Latulippe (Frère Léopold), Rosaire Mondou (Frère Anselme), Hervé Pelletier (Frère Adrien), Ange-Albert Thibeault (Frère Edmond), et Bernard Toupin (Frère Simon).

De plus, comme le conseil d’administration est formé de parents d’élèves, la crainte d’une certaine instabilité due à un roulement de ses membres s’est plutôt transformée en un facteur positif puisque de nouveaux parents d’élèves viennent apporter, au fil des années, un enthousiasme renouvelé et de nouvelles visions ayant pour but de mieux répondre à l’évolution des défis qui pourront confronter les jeunes en formation au collège. Et ce, sans compter que la participation active des parents dans l’éducation de  leurs enfants et dans la vie du collège est certes un élément fort souhaitable pour leur succès.

Sous les vieilles pierres grises du Collège Mont-Saint-Louis de la rue Henri-Bourassa, les Frères des Écoles Chrétiennes, qui ont donné naissance et animé la vie à notre collège, ont été remplacé au fil des ans par des professeurs laïcs tout aussi dévoués et compétents que ces prédécesseurs. Quotidiennement, des élèves curieux et conscients de l’importance de réussir leur vie professionnelle et personnelle continuent à se préparer sérieusement à faire face à l’avenir, à travers les cours académiques et les activités parascolaires : sports, théâtres, arts, journalisme, etc. Sous ce même cachet d’autrefois, l’excellence de la formation existe toujours et le bonheur de s’y retrouver également. Quand on entre au collège sur Henri-Bourassa, on s’y sent chez nous et un de mes collègues de promotion de la rue Sherbrooke, me disait que « ça sent encore le Mont-Saint-Louis ». En effet, c’est parce qu’il s’agit toujours du même Collège Mont-Saint-Louis que celui que nous avons alors connu! 

Dans la suite de l’œuvre des Frères des Écoles Chrétiennes, nous constatons encore de nos jours que les jeunes, qui adhèrent au cercle des anciens après leur passage au collège, apprécient toujours l’excellence de leur formation et les liens d’amitié  durables qu’ils ont tissés avec leurs collègues-étudiants formant ainsi des réseaux sociaux inoubliables.

Comme il n’y a jamais eu d’interruption dans ses activités d’enseignement, il n’y a pas eu deux vies dans l’histoire de notre collège. La grande histoire du Collège Mont-Saint-Louis est unique et elle se poursuit depuis maintenant plus de 123 ans. Aujourd’hui, notre collège est toujours présent et encore capable de répondre aux besoins de formation des générations nouvelles de jeunes, et ce, avec la même philosophie éducative et la même qualité de formation académique et personnelle. Nous devons tous être très fiers de constater que le transfert du flambeau s’est bien déroulé à travers plusieurs générations et que l’étoile, que nous retrouvons sur les armoiries du Collège Mont-Saint-Louis, notre collège, continue à briller dans le monde de l’éducation au Québec.

Yvan Bordeleau, promotion 1963

Avril 2011

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