Dans le but de marquer le 130e anniversaire du Mont-Saint-Louis, le Collège, la Fondation du Collège et l’Association des anciens du Mont-Saint-Louis présentent Nelligan de retour au MSL, une soirée poétique et musicale.
Émile Nelligan (1879-1941) a composé toute son œuvre poétique entre le printemps 1896 et l’été 1899. Il a notamment fréquenté le Mont-Saint-Louis, sur la rue Sherbrooke. Quelque 125 ans plus tard, des artistes issus de notre communauté interpréteront des œuvres qui l’ont inspiré ou tirées de ses poèmes; ils liront aussi quelques-uns de ses poèmes.
Voici un texte qui évoque un moment important de la vie du poète :
Cela se passe le 26 mai 1899.
L’historique Château Ramezay brille de tous ses feux sous un ciel étoilé. Il ouvre ses salons, ce soir, à une assistance nombreuse et distinguée. C’est la quatrième séance publique de l’École Littéraire de Montréal : les poètes de la jeune génération s’expriment.
La soirée se déroule normalement. L’orateur qui laisse la tribune reçoit beaucoup d’applaudissements. Un jeune homme qui n’a pas vingt ans se lève. Le silence se fait. Tous les regards se tournent sur lui. Tel un jeune dieu, il s’avance lentement.
Un poète le vit ainsi : « Une vraie physionomie d’esthète! Une tête d’Apollon rêveur et tourmenté, ou la pâleur accentuait le trait net, taillé comme au ciseau dans un marbre. Des yeux très noirs, très intelligents, ou rutilait l’enthousiasme, et des cheveux, oh! Des cheveux à faire rêver, dressant superbement leur broussaille d’ébène, capricieuse et massive, avec des airs de crinière et d’auréole. »
Il lit Le Talisman, puis Rêve d’artiste : Sa voix est grave et trainante, avec un léger accent anglais, qui n’est pas dépourvu de charme, note un autre observateur et qui ajoute : Sa bouche sur laquelle se dessine un sourire doucement triste, ne semble avoir été formée que pour réciter des vers.
Le geste est ample et solennel. La voix de l’adolescent porte en ses murs vieux de près de deux siècles. Il clame maintenant d’une voix passionnée :
La Romance du Vin
C’est le triomphe!
Les applaudissements, mus par l’émotion et l’admiration, prennent la fureur d’une ovation. Le délire, quoi! Ses amis le portent sur leurs épaules jusque chez lui, près du Carré Saint-Louis.
J’ai vu ce soir Nelligan en pleine gloire, dira son ami, le poète Louis Dantin…
Cet extrait provient du livre de Réal Bertrand (1980), Célébrités canadiennes.
Septembre 2018