Regard sur le parcours de Luc Durand, promotion 1949

Au printemps 2014, le cinéaste, photographe et commissaire Étienne Desrosiers a eu l’idée de prendre contact avec l’AAMSL afin de mieux connaître le Collège qu’avaient fréquenté deux architectes de renom sur lesquels il prépare un film : Roger D’Astous (1926-1998) et Luc Durand. Son enthousiasme au sujet de Durand sur lequel il a réalisé une exposition, Luc Durand Architecte : Rétrospective 1945-2009, et écrit un livre Luc Durand Itinéraires d’un architecte, nous a convaincu de renouer avec cet ancien au parcours captivant.

Sainte-Rose, 25 août 2014 : À 84 ans, l’homme à l’esprit vif est bien disposé à  faire le récit de sa vie. De Montréal à Genève, en passant par New Delhi et plusieurs autres villes asiatiques et européennes, Luc Durand a bourlingué, en prenant toujours le temps de se poser et de bien faire les choses.

Une mère garde-malade et un père bucheron devenu entrepreneur, mort trop tôt sans avoir vraiment pris le temps de parler à ses enfants. Le legs de cet homme à son fils, une phrase prononcée quelques jours avant son décès : « J’ai construit un quartier, toi tu feras des villes ! » C’est ainsi qu’au chevet de son père mourant, le fils comprend qu’il consacrera sa vie à l’architecture.

En 1949, après avoir passé plus de 6 ans au Mont-Saint-Louis, le jeune homme, désormais responsable de sa fratrie, quitte le Collège et entreprend des études à l’École d’architecture, qui faisait alors partie de l’École des Beaux-arts de Montréal. En 1951, dans un contexte de remise en question de l’ÉBAM (le Refus Global avait été publié en 1948), Durand s’allie à 2 confrères souhaitant eux aussi bénéficier d’un enseignement plus libéral. Les 3 jeunes hommes tentent leur chance en Europe en écrivant à 3 écoles. C’est ainsi que l’architecte et urbaniste Français Eugène Beaudoin accueille ces  jeunes rebelles à l’École d’architecture de l’Université de Genève qu’il dirige. Ce milieu avant-gardiste et progressiste propose aux étudiants de prendre part à différents projets en observant des lieux et des milieux dans différentes villes européennes.

Au cours de ses études universitaires, Durand réalise la nécessité d’observer et d’analyser, des aptitudes ou compétences déjà développées auprès des frères enseignants du Mont-Saint-Louis. Le frère Gédéon et le frère Robert notamment, furent des figures marquantes de ces années d’études au Mont-Saint-Louis.

Le dessin et l’astronomie

Luc Durand cultive très tôt sa passion pour le dessin. Pendant près de 7 ans, le jeune homme, formé dès la petite enfance par une Dame Girard de Notre-Dame de-Grâce, participe aux ateliers de dessins offerts par le frère Gédéon à la bibliothèque les mercredis après-midis. Ouverture sur le monde de l’art et de la littérature par l’entremise de certains livres (heureusement, les classiques de la Comtesse de Ségur n’étaient pas à l’index!) et par le talent et  la générosité du frère Gédéon, artiste peintre et enseignant.

Pendant cette même période, l’élève a aussi eu la chance de rencontrer le réputé frère Robert et de profiter de son enseignement: leçons d’astronomie  et observation des constellations dans la noirceur de la ville. Durand gardera un attrait pour le monde de l’astronomie allant jusqu’à imaginer un projet de planétarium pour l’obtention de son diplôme en Architecture.

Séjour en Inde

L’Inde de Nehru a été le premier terrain de prédilection du jeune architecte et dès lors ses réalisations furent étroitement liées à un souci d’urbanisme. Durand accède à une notoriété internationale en réalisant pavillons, usine, cinéma, centres civiques, centre municipal, maison de santé, résidences, complexes d’habitation, hôtels, restaurants, meubles et tapis, … à New Delhi, Bombay, Calcutta et dans plusieurs autres villes. D’ailleurs, en 2012 la prestigieuse revue Domus s’est intéressée aux réalisations de Durand en Inde.

L’architecte Luc Durand a fait irruption dans le monde de l’architecture au Québec en 1962 en pleine maîtrise de son art et c’est grâce à sa ténacité et à sa détermination que l’ordre des architectes a accepté de reconnaître son diplôme obtenu en Suisse. Au fil des années, il deviendra un personnage marquant du paysage culturel montréalais.

Tout au long de sa carrière, Luc Durand a souhaité réaliser des projets s’inscrivant dans un  processus de planification et d’organisation du territoire urbain en étant toujours conscient de son rôle social. Contacts parfois brutaux avec la politique et les politiques de certains intervenants, remise en question du pouvoir ecclésiastique : Luc Durand contestataire et visionnaire, architecte libre de ses actions.

Un projet crève-cœur

1964 : L’architecte assiste impuissant à la construction de l’autoroute Décarie, « un coup de glaive » sur la paroisse Notre-Dame-de-Grâce. Analyse – diagnostic – solution.

1994 : Luc Durand propose un projet de recouvrement de cette autoroute.

2014 : L’architecte sait que son projet contribuera à panser les blessures subies par la ville lors de la construction de cet axe allant de l’autoroute métropolitaine à l’échangeur Turcot. Qui sait ? La ténacité d’un battant pourrait bien venir à bout des dernières réticences des décideurs…

La maturité du style

Dans les années 70, Luc Durand a par ailleurs collaboré avec le réalisateur Michel Régnier pour la série Urbanose et URBA-2000, séries de films documentaires engagés réalisés pour l’ONF.

Depuis l’adolescence, Luc Durand réalise en alternance des croquis, des aquarelles et des huiles, évocations d’une vie bien remplie. Les péripéties du quotidien, dans lesquelles la nature occupe une place importante, se déplacent du carnet vers un autre support. Au fil des ans, l’artiste a ajusté, transformé, modulé ses techniques de travail, délaissant parfois le crayon pour passer à la création sur ordinateur. Depuis 1945, le créateur s’exprime en continu, façonnant des villes et racontant la vie tout simplement à travers des œuvres achevées.

Si l’homme a eu un parcours professionnel atypique, il a toujours tenu pleinement ses promesses. Plus que jamais passionné par son métier, Luc Durand exprime ses idées avec la lucidité d’un homme ayant reçu une solide formation scientifique et l’élégance d’un artiste.

Quelques-unes des réalisations de l’architecte Luc Durand

Pavillon du Canada aux Nations-Unies (années 50)

Station de métro Peel (années 60)

Cité des jeunes de Vaudreuil (années 60)

Pavillon du Québec Expo 67

Place Frontenac (1970)

Résidence Dupuis (1970)

Place Dupuis (1971)

Carrefour Berri (1970)

Village olympique (1976)

Aréna de Saint-Pierre et Miquelon (1984)

Résidences, Centre hospitalier, vitraux 

Références :  Luc Durand Itinéraires d’un Architecte, sous la direction de Étienne Desrosiers, P7V.Montréal, Mars 2009, Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce [En ligne].  http://www.kollectif.net/wp-content/themes/tma1.3_(niss)_Slide/images/uploads/com-table-ronde-ldurand-3p.pdf

Danièle Bélanger, promotion 1981

Août 2014

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *