Daniel Mativat

J’ai été engagé par le collège en 1975 en même temps que messieurs Claude Bachand et Normand Landry. J’avai trente ans. Formé en France et tout jeune professeur venant de la C.E.C.M où j’avais travaillé pendant six années, j’étais habitué à un style d’enseignement rigoureusement encadré par des chefs de matière ainsi qu’à l’application pure et simple d’un programme uniforme imposé à tous les profs du département de français.

En entrant au Mont-Saint-Louis, ce qui, d’emblée, m’a frappé et ravi à la fois, c’était l’atmosphère de liberté qui y régnait. On avait besoin d’un nouvel enseignant en 5ème secondaire. Mon prédécesseur n’avait rien laissé. On me laissait donc carte blanche. «Vous voulez enseigner Madame Bovary, les Fleurs du mal, 1984 de George Orwell et l’Étranger de Camus? Très bien allez-y!» – «Vous aimeriez faire lire Maria Chapdelaine, les Plouffe, Poussière sur la ville? Pas de problème.» – «Vous ne souhaitez pas être esclave d’un manuel et préféreriez bâtir votre propre cours pour qu’il soit à votre image?  Aucune objection… On vous fait confiance!»

Quel bonheur! Enfin on me traitait en vrai professionnel avec pour seul critère d’appréciation, l’intérêt et le niveau de réussite de mes élèves. Fini les carcans pédagogiques avec leur langage abscons. Fini les directives  venues d’en haut. Entièrement responsable de mes actes,  j’étais au paradis. Je le suis resté pendant trente années (plus précisément : 29). J’ai adoré mon métier. Au fil des ans et au contact de mes collègues, bien sûr. Les choses ont évolué. On m’a confié un cours de création littéraire qui a connu un certain succès. J’ai également contribué à réintroduire la pratique de la dissertation littéraire classique, mis sur pied un vaste programme de lectures de romans québécois et même remis à l’honneur la  dictée dans le cadre d’un cours d’orthographe pratique. Tout cela dans le but d’enrichir le niveau général. Avec pour résultat des scores aux examens de français du ministère qui, pendant plusieurs années contribuèrent à placer le collège au premier rang du palmarès des écoles secondaires de la Province.

Bien sûr, il serait très prétentieux de m’attribuer tout le mérite de ces succès. Car au cours de toutes ces années je n’ai pas seulement apprécié la liberté pédagogique dont j’ai bénéficié. J’ai aussi gardé en mémoire l’excellence des équipes de français que j’ai coudoyées et surtout l’exceptionnel climat d’amitié qui a régné en particulier chez les professeurs de 4ème et de 5ème secondaire. Claude Bachand, Normand Landry, Louis Vachon et dans une certaine mesure Bruno Roy et moi, formions une vraie famille. Pendant presque trois décennies nous avons partagé le même bureau avec une incroyable bonne humeur. Notre local était un peu «la Suisse du collège». Un havre de joie de vivre et de paix où les autres enseignants malheureux ou déprimés pouvaient toujours venir se réfugier pour se faire consoler ou rigoler un bon coup. Les liens qui nous unissaient étaient si solides et notre affection mutuelle si forte que chaque jour était presque une fête.

Bien sûr, il y eut des jours plus sombres. Pendant le lock-out de sombre mémoire, par exemple. Ou bien, les dernières années quand quelqu’un eut la stupide idée de nous séparer, brisant ainsi la dynamique qui s’était installée entre nous au nom de préceptes pédagogiques pour le moins discutables. Mais cela ne rompit pas pour autant notre amitié. Celle-ci était si forte que depuis que nous sommes à la retraite (à l’exception de ce pauvre Louis qui est toujours au boulot…)  nous  continuons de nous revoir régulièrement avec le même plaisir soit à la pêche soit à table d’un bon restaurant.

Bref, mes années au Mont-Saint-Louis ne me laissent finalement que de chaleureux souvenirs. Le M.S.L. restera pour moi un établissement de haut niveau, qui a toujours gardé une dimension humaine, une maison de savoir qui valorisait son personnel et avait à cœur la défense du français et la promotion de la culture québécoise. Autant dire : une grande école digne de sa tradition humaniste. Une école qui est en droit de fêter avec fierté sont 125e anniversaire.

Encore merci.

Daniel Mativat, enseignant au MSL de 1975 à 2004

Extrait du livre Collège Mont-Saint-Louis 1888-2013 125 ans d’histoire Témoignages d’hier et d’aujourd’hui

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *