Secondaire I, première semaine, dernière période un vendredi après-midi. Pas encore habituée à ce nouveau rythme de vie, j’étais complètement crevée. Assise tout au fond de la classe, perdue dans mes pensées, je regardais dehors et attendais impatiemment le son de la cloche qui allait mettre fin à mon calvaire. Quand tout à coup, j’entends mon nom. Je sursaute. Monsieur Philie attend ma réponse… Je suis mortifiée. Jeune fille trop sage, je rougis et je lui demande poliment de répéter sa question dont je n’ai pas entendu un traître mot. Le plus doucement du monde il me dit : « Laisse tomber, mais s’il te plaît, essaie d’écouter un peu, la semaine est presque finie ». C’est fou comme je l’ai aimé. Sa délicatesse, sa gentillesse, son dévouement, son enthousiasme, son humanité, le respect qu’il avait pour ses élèves… c’était un prof, en fait une personne tout à fait exceptionnelle. Avec lui, j’ai appris bien plus que le latin. J’ai appris à voir plus loin que le bout de mon nez, à aimer ma langue, à aimer les mots, l’histoire, les histoires ! Achille, Hercule, Ulysse, Orphée, Persée… il connaissait tous les héros et nous en parlait comme s’il avait lui-même participé à toutes leurs aventures.
Il y a quelques années, j’ai vu sa photo dans La Presse. Il était décédé un an auparavant. Plus de vingt ans après qu’il m’eut donné son dernier cours, je l’ai pleuré. J’aurais voulu pouvoir rencontrer les membres de sa famille et leur dire combien il avait été important pour moi. Peut-être auront-ils vent de ce témoignage ?
Brigitte Lefebvre, promotion 1981
Août 2008